• A nonante-sept ans, on fait des cadeaux utiles.

     

    Je vous laisse ma croyance aux anges gardiens.  Ils vous protégeront, même à votre insu, et cela me rassure.

    Le mien a eu fort à faire depuis ma naissance. Il refuse aujourd’hui de fixer une date quand je parle de son prochain chômage. Je voudrais tant, lui dis-je, pouvoir laisser une planète propre en ordre. Il a l’ironie bienveillante :

    -« Cesse de te prendre pour Dieu ! » dit-il avec une tape sur l’épaule ... l’épaule la moins douloureuse, heureusement.

     

    Je vous laisse ma foi. Chacun de vous est un être unique. On a presque le vertige devant tant de grandeur.

    Un être unique, avec le privilège douloureux de se demander pourquoi il est né.

    La foi, c’est la chance de savoir à qui adresser les questions.  

    Ma foi et ses éclipses. Mais chercher dans la nuit, c’est s’adresser à la lumière !

    Selon nos vieux cadrans solaires, « l’ombre elle-même témoigne du soleil »

    (…La citation latine était mieux, en quatre mots sur le mur d’une maison de vigne. A l’amusement des passants, le cadran du voisin répliquait : Carpe Diem, conseil jouisseur taxé de païen à l’époque.)

     

    Je vous laisse mon goût de vivre. Il devrait réjouir mon Créateur.

    CARPE DIEM  n’est pas trop païen…quand on sait dire merci.

    Dire merci pour tout ce que l’on n’aura, hélas,  bientôt plus à se mettre sous les cinq sens.

    La main qui caresse, les jonquilles jaune d’œuf, les voix harmonieuses au  bonjour du matin, le parfum du datura qui fleurit la nuit et vous réveille ...  

    Dans cette liste de joies terrestres, où se cache l’espérance ? Elle peut déboucher sur une confiance d’enfant, au moment de partir vers les joies célestes. L’espérance est encore là quand vous relevez les améliorations sur la planète, en face des catastrophes.

    Et quand on refuse de confondre sa fin prochaine avec la fin du monde.

     

    Je vous lègue mes questionnements sur la charité,  sur l’amour.  

    Quel est le soutien de ces gens accablés qui vous sourient  au quotidien ? Quelle force d’amour a soudé ce couple malgré sa stérilité ?

    Plus mystérieux encore: A quelle source s’alimentent les célibataires qui répandent l’amour ?  Qui a inspiré à ce couple de « rendre le bien pour le mal » ?

    …Pour finir par une pirouette : quelle charité vous a amenés sans bâiller jusqu’à cette dernière ligne ?

    Martigny, 9 avril 2016                       Gaby Zryd-Sauthier      

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  • ……chaque jour désormais est un anniversaire.

    Pour chaque heure accordée nous disons un merci.

    Qu’importe l’horizon, cet avenir précaire,

    Notre regard d’amour ne s’est pas obscurci.

     

    Tant que nous sommes deux pour  accueillir l’aurore,

    Tant que nous sommes deux pour habiter la nuit,

    La vie est un cadeau, et j’ose dire « encore »

    Tendant des mains nouées à qui me les remplit.

     

    Je joins les mains en coupe et je fais ma prière.

    Merci à Toi Seigneur,  par qui j’ai existé.

    Merci à Toi Seigneur,  d’avoir créé la terre.

    Voici venu l’hiver. J’ai bien dansé  l’été.

     

    Merci : nous sommes à deux pour la dernière approche.

    Pareils à des enfants,  dans leur fragilité.

    Je te confie les miens, n’étant pas sans reproche.

    Mais Tu feras au mieux, dans Ta grande bonté.

     

     

     

    Martigny, 6.6.2017

    Gaby Zryd-Sauthier

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  • Gaby Zryd-Sauthier   Chronique d’une V.D.I.  ( Vieille Dame Indigne)

     Martigny, juillet-août 2011

     

    Pousse-cœur 

    Il y a treize ans, le réseau des femmes écrivaines avait imposé un thème pour son concours
    littéraire: Herzschrittmacherin. C’était une trouvaille en allemand : on transformait une pile électrique
    en une vocation féminine. Le mot cœur, si riche en symboles, ne pouvait qu’inspirer les écrivaines.
    Les concurrentes d’expression française ou italienne enviaient  la richesse de l’allemand.
    Comment créer en français  à partir de pacemaker ou de stimulateur cardiaque ?

    Pour expliquer mon titre, j’avais imaginé un dialogue avec ma petite-fille de sept ans:
    -Si je dis Herzschrittmacherin, qu’est-ce que tu réponds ?
    - Heu…
    - Et si je dis pacemaker, ou plutôt, comme en arabe, juste les consonnes P-ss-m-kr- ?
    Du coup, les yeux se remplissent de malice. La voyelle i lui suggère de joyeuses variations.
    Elle propose, pour les bien-pensants :
    - pes m’équerre, pass moqueur
    J’enchéris :
    - Pose mon cœur.
    Et elle, sûre d’avoir le prix : 
    - Pousse mon cœur.

     

    Pousse-cœur  *** 

    Ah, ma mie, je ne serai plus là dans treize ans, quand tu auras besoin d’un pousse-cœur.
    D’autres que moi interviendront
    pour le faire repartir, si on te l’a brisé. Le feront-ils avec des mots ?

    Seront-ils tout simplement présents, fraternels ? Efficaces dans leur discrétion, t’aidant à faire face ?
    Faire face, un apprentissage commencé dès tes premiers pas, j’ai observé ces étapes.
    Tu as passé du landau-berceau au
    pousse-pousse. On a renversé ton dossier,
    tu as perdu notre contact visuel pour
    affronter  la route.
    Sont venus vers toi : les rosiers du parc, les sourires des passants,  les cabas des ménagères, les babines du bull-dog. 
    Il y a eu désormais quelques
    secondes à vivre seule,  avant de te sentir toujours protégée.
    Un voix, dans ton
    dos, te parlait de fleur et de parfum,  écartait l’épine ou le monstre  aux gros crocs.
    Quelques secondes de solitude, pour que tu puisses un jour affronter
    seule les difficultés.
    Et voilà qu’un matin, en écrivant ce dialogue imaginé avec une petite fille de sept ans,
    tu m’as fait  cadeau du mot-clef : pousse-cœur. /........./

    ***
    Ecrit il y a treize ans,  pages 196-197  Herzschrittmacherin, Netzwerk Schw. Frauen, Zytglockenverlag

     

    Pousse-coeur  juillet-août 2011

    Ah ma mie, je pensais ne plus être là, dans treize ans, et voici que le bonheur d’écrire m’est encore accordé 
    pour cette chronique de juillet-août 2011.
    Et si j’en profitais pour
    penser à toutes ces personnes connues ou inconnues,  qui m’ont aidée à relever le menton ?
    Ecrivant cela, je revendique 
    le droit de flancher par intermittences, et de repartir  grâce aux impulsions d’un pousse-cœur.
    J’aime que le mot que nous avons trouvé ensemble dans un dialogue imaginé ne soit ni féminin, ni masculin.
    Il désigne
    des humains, tout noblement. Ils sont légion dans ma vie, ces pousse-cœur d’hier et d’aujourd’hui.
    Je leur envoie souvent des pensées de gratitude.
    Et je pense avec reconnaissance à tous  les pousse-coeur sur ton futur chemin. 
    Invisibles comme la pile électrique sous la peau, et porteurs de vie sans le savoir.

    Martigny, juillet-août 2011

    G.Z.S.( Copyright juillet-août 2011. Toute  utilisation de textes ou d’extraits n’est permise qu’avec l’autorisation de l’auteur).    

     

     


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  • Gaby Zryd-Sauthier    Martigny juin 2011  Chronique d’une V.D.I.   ( Vieille Dame Indigne)

     

    Ceci est mon testament

     

    Dans la cour de l’école, les vestes des écoliers font un carnaval de confettis colorés, jusqu’au do-mi-sol-do à l’heure d’entrée.

    Je pense à tous ces destins en devenir dans notre bonne ville de Martigny.  

    Ils se forment dans la facilité, la paix, la sollicitude, l’abondance. Apparemment sans privation, apparemment sans détresse.

    Et mon cœur s’inquiète: seront-ils suffisamment munis d’espérance,  si  la chance tourne ? Auront-ils des raisons de vivre, si leur vie devient rude ?  

    Alors, je fais mon testament, et je distribue à la volée les trésors qui m’ont rendue heureuse. Prenez, les petits, profitez! Je lègue au hasard !  

    En prime : Le Catogne. C’est du solide. Qui veut du Catogne et de son match contre le soleil, au printemps? La victoire du soleil est garantie depuis des millénaires. Suivant la position locale, c’est une heure de soleil en plus, d’un jour à l’autre. Prenez cette joie, il suffit d’observer. Qui va recevoir mon don de l’émerveillement ? 

    Je vous lègue la Tour de la Bâtiaz, c’est une image bonne à emporter en exil. Elle a rassuré les inquiets de tant de générations ! Sur le chemin du retour, on voit sa silhouette, et on sait qu’on est au pays. Peut-être un jour direz-vous à vos enfants les noms des camarades avec qui vous jouiez dans l’enclos. L’amitié survit au temps, comme ces murs bâtis par nos ancêtres.  Je vous donne la Tour sur le roc, elle est ferme comme une amie fidèle. Je vous donne la persévérance dans vos élans d’affection.  

    Je donne la Dranse et sa chanson. On l’entend mieux le soir, les amoureux l’écoutent et en nourrissent leur bonheur. Je souhaite à tous de connaître les joies et les extases de la passion. Cependant, la chanson de la Dranse rappelle qu’existent aussi l’amour parental, l’amour conjugal, l’amour du Créateur et de ses créatures. A toi qui reçois la Dranse,  je lègue le bonheur d’amour, sous la forme qui t’est réservée.

    Reste l’arc-en-ciel. Les scientifiques eux-mêmes se taisent quand il apparaît après l’orage. Je vous donne ce silence qu’il crée quand il monte de la plaine aux nuages. Vous le sentez, c’est vous qui le dites : de la terre au ciel. Je vous donne l’espérance, et le don de vous interroger. N’oubliez pas : l’être humain est le seul animal qui se pose des questions sur sa raison d’être. Le seul animal aussi qui sache rire. Je vous lègue la joie et la sérénité. Vous serez l’arc-en-ciel après l’orage.

     

    G.Z-S ( copyright  juin 2011. Toute utilisation des oeuvres ou d’extraits n’est permise qu’avec l’autorisation de l’auteur)


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