• Pousse-coeur

    Gaby Zryd-Sauthier   Chronique d’une V.D.I.  ( Vieille Dame Indigne)

     Martigny, juillet-août 2011

     

    Pousse-cœur 

    Il y a treize ans, le réseau des femmes écrivaines avait imposé un thème pour son concours
    littéraire: Herzschrittmacherin. C’était une trouvaille en allemand : on transformait une pile électrique
    en une vocation féminine. Le mot cœur, si riche en symboles, ne pouvait qu’inspirer les écrivaines.
    Les concurrentes d’expression française ou italienne enviaient  la richesse de l’allemand.
    Comment créer en français  à partir de pacemaker ou de stimulateur cardiaque ?

    Pour expliquer mon titre, j’avais imaginé un dialogue avec ma petite-fille de sept ans:
    -Si je dis Herzschrittmacherin, qu’est-ce que tu réponds ?
    - Heu…
    - Et si je dis pacemaker, ou plutôt, comme en arabe, juste les consonnes P-ss-m-kr- ?
    Du coup, les yeux se remplissent de malice. La voyelle i lui suggère de joyeuses variations.
    Elle propose, pour les bien-pensants :
    - pes m’équerre, pass moqueur
    J’enchéris :
    - Pose mon cœur.
    Et elle, sûre d’avoir le prix : 
    - Pousse mon cœur.

     

    Pousse-cœur  *** 

    Ah, ma mie, je ne serai plus là dans treize ans, quand tu auras besoin d’un pousse-cœur.
    D’autres que moi interviendront
    pour le faire repartir, si on te l’a brisé. Le feront-ils avec des mots ?

    Seront-ils tout simplement présents, fraternels ? Efficaces dans leur discrétion, t’aidant à faire face ?
    Faire face, un apprentissage commencé dès tes premiers pas, j’ai observé ces étapes.
    Tu as passé du landau-berceau au
    pousse-pousse. On a renversé ton dossier,
    tu as perdu notre contact visuel pour
    affronter  la route.
    Sont venus vers toi : les rosiers du parc, les sourires des passants,  les cabas des ménagères, les babines du bull-dog. 
    Il y a eu désormais quelques
    secondes à vivre seule,  avant de te sentir toujours protégée.
    Un voix, dans ton
    dos, te parlait de fleur et de parfum,  écartait l’épine ou le monstre  aux gros crocs.
    Quelques secondes de solitude, pour que tu puisses un jour affronter
    seule les difficultés.
    Et voilà qu’un matin, en écrivant ce dialogue imaginé avec une petite fille de sept ans,
    tu m’as fait  cadeau du mot-clef : pousse-cœur. /........./

    ***
    Ecrit il y a treize ans,  pages 196-197  Herzschrittmacherin, Netzwerk Schw. Frauen, Zytglockenverlag

     

    Pousse-coeur  juillet-août 2011

    Ah ma mie, je pensais ne plus être là, dans treize ans, et voici que le bonheur d’écrire m’est encore accordé 
    pour cette chronique de juillet-août 2011.
    Et si j’en profitais pour
    penser à toutes ces personnes connues ou inconnues,  qui m’ont aidée à relever le menton ?
    Ecrivant cela, je revendique 
    le droit de flancher par intermittences, et de repartir  grâce aux impulsions d’un pousse-cœur.
    J’aime que le mot que nous avons trouvé ensemble dans un dialogue imaginé ne soit ni féminin, ni masculin.
    Il désigne
    des humains, tout noblement. Ils sont légion dans ma vie, ces pousse-cœur d’hier et d’aujourd’hui.
    Je leur envoie souvent des pensées de gratitude.
    Et je pense avec reconnaissance à tous  les pousse-coeur sur ton futur chemin. 
    Invisibles comme la pile électrique sous la peau, et porteurs de vie sans le savoir.

    Martigny, juillet-août 2011

    G.Z.S.( Copyright juillet-août 2011. Toute  utilisation de textes ou d’extraits n’est permise qu’avec l’autorisation de l’auteur).    

     

     


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