• Gaby Zryd-Sauthier

     

    Chronique d'une V.D.I. ( Vieille Dame Indigne)

     

    Martigny, novembre 2008

                                                                                   

     

    Bonjour, toi

     

    Certains matins, je m'arrête devant le miroir au-dessus du lavabo:

    - Bonjour, toi.

    - Qui ça, moi?

    - La gamine qui a eu la chance d'échapper à l'école primaire du Haut-Valais: regarde les photos, tablier noir, bas noir, souliers noirs. Heureusement que le liséré du voile des religieuses était blanc, mais quand même, ce noir...  quel symbole de l'obéissance passive aux ordres venus d'en haut!

    A Martigny, au moins,  la demoiselle qui t'a fait scander le syllabaire au tableau mural avait de jolies frisettes sur le front. Elle n'a pas invoqué l'enfer, le jour où tu as mis des papillotes à ta frange. Tout vertement une allusion à l'hygiène, jetant l'indisciplinée en pâture aux camarades, d'un méprisant: Tête à poux!

    Dans ta ville, on éduquait à la vertu au nom de principes modernes, mais on    n'avait pas encore inventé les traumatismes de l'enfant humilié.

             Cahin-caha, matin après matin, on est arrivé aux compromis du temps présent.

    Y voir clair, les deux pieds sur terre, pour vivre le reste de son âge, selon des choix librement acceptés.

    C'est ma fierté, ce 12 novembre 2008.          

    Je me regarde en entier dans le grand miroir.          

    - Bonjour, toi

    - Qui ça moi?

    - La VDI aux valeurs reconstruites, sans obéissance passive aux préjugés, faisant ses choix sans influence occulte.

    Libre, dans le cadre de sa conscience, de toutes règles venues d'ailleurs.

    Et surtout, surtout, heureuse de vivre à une époque où la société se moque de toutes les contraintes que ton enfance a connues.

    Hem... que dit le miroir?

    - Que ces bas clairs sont horribles, ma pauvre. On n'a pas idée. Ce qui se fait, c'est le bas noir, avec le soulier, noir, le collant noir, la jupe noire, Tu ne vas pas sortir comme ça. quand même, surtout pour aller au temple des achats.

    Regarde les magazines !

     

    C'est un fait: je me sens mieux depuis que je me suis payé des bas noirs.

     

    G.Z.S   ( copyright nov. 2008 Toute utilisation des textes ou d'extraits n'est permise qu'avec l'autorisation de l'auteur)

     

     

     

     

     

     


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  • Gaby Zryd-Sauthier

     

    Chronique d'une V.D.I. (Vieille Dame Indigne)

     

    Martigny, octobre-novembre 2008

     

    Viens, une nouvelle vie...

     

    Viens, une nouvelle vie s'annonce.

    Ce soir, en y mettant quatre heures, la fleur du datura va éclore. 

    On sait déjà son destin: quelques jours de splendeur, pour devenir une guenille porteuse d'avenir.

    Viens, il faut être deux pour une naissance. Nous l'accueillerons dans le calme,  et je souhaite qu'elle me rende la paix.  Il y a eu trop de chagrins ces derniers temps, trop d'adieux, trop de questions.

    Restons ensemble, le temps qu'il faut, patients et silencieux.. Des millions d'années ont préparé le fragile miracle de ce soir.

    Passent les heures. 

    Le datura signale que c'est pour bientôt. Ses nervures gonflées promettent l'éclosion, elles blanchissent comme éclairées de l'intérieur. 

    Si tu fermes les yeux, si tu manques l'instant magique, un parfum te réveillera. Déjà, message capté, des insectes arrivent. Il faudrait un vent tiède pour aider la plante en travail. En travail de vie.

    ... La vie, la mort. Neuf mois pour la recevoir, et déjà commence le compte à rebours. Neuf mois, qu'on disait d'espérance, pour tant de séparations!

    Les êtres qui nous manquent, associons-les à la sérénité du moment...

    Victoire! Au milieu de nos méditations, brusquement, nous vivons le sursaut de la corolle qui tressaille pour s'épanouir.

    Moment de joie intense, sur lequel il  faut rester discret.

    Un simple point lumineux, une création éphémère...ces riens suffiraient à vous apaiser face à la destinée?

    Nos regards se sont croisés. Nous apprivoisons l'avenir, en silence. J'aime t'entendre respirer dans l'ombre.

    Tous ceux à qui nous devons le souffle sont présents ici, confondus dans un moment d'éternité.

    Dans l'ombre, tous ceux qui te doivent le souffle sont présents. Sans toi, ils ne sauraient pas le parfum des saisons, la vie douce, la vie amère. Ils transmettront ce dont nous avons été dépositaires avant eux.

    Comment? Je ne sais pas.

    Ce que je sais, c'est qu'il suffit d'un datura pour vous inciter, malgré les déchirements, à dire merci pour les jours qui restent.

     

     G.Z-S (copyright nov. 2008. Toute utilisation des oeuvres ou d'extraits n'est permise qu'avec l'autorisation de l'auteur.)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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    Gaby Zryd-Sauthier

     

     

    Chronique d'une V.D.I.  (Vieille Dame Indigne)

     

     

    Martigny, 28 octobre 2008                                      

     

     

     

    Vide-greniers, vide-coeurs

     

    A la brocante, entre une boîte à musique et un filtre Mélita, vous prenez en mains le vieux syllabaire.

    Toutes les frustrations de l'écolière curieuse surgissent....L'armoire de la maîtresse, inviolable. Les grandes enveloppes scellées à la cire rouge, l'album de cartes postales lourd d'inconnus et de défunts...

    S'ajoutent à la liste les plongées dans les mansardes, depuis le roc qui mène au château de la Bâtiaz. Qui dormira ce soir sous le couvre-lit tricoté? Pour qui la cuvette et le broc? Interdictions jamais bravées, curiosités jamais satisfaites, par docilité, par manque d'audace. On ne saura jamais ces histoires-là.

     

    Aujourd'hui, le vide-grenier dépose à nos pieds le mystère, l'insolite, avec prière de fouiller dans les secrets. Le destin des choses est ici en suspens. Aimées hier, rebut pour l'instant, peut-être trésor demain. Nous autres, le regard sur ces débris, à la charnière des naufrages.

    Avec quatre sous, on achète le pouvoir de redonner vie; voilà de quoi justifier la farfouille.

    Pour ces deux jeunes mariés entassés avec les cadres,  pour cette autre photo d'un jeune homme qui fut leur voisin,  les artistes de l'époque pratiquaient le flou artistique. Je garde ici le flou artistique sur mon impression d'impiété.

    Aimés hier, rebut aujourd'hui... Leurs portraits datent du temps de l'espoir. Ont-ils jamais envisagé cette désaffection, cette mise au trottoir?  Les gens défilent, indifférents à  trois destinées dont je me remémore des péripéties, la gorge serrée.

    Ne nous attardons pas sur une mélancolie stérile. La vie propose trop de facettes à explorer.

    Qui dira les secrets des gens autour de moi?

    Qui vient ici retrouver quoi?

    Ah, les amis, quelle belle brocante on ferait avec tout ce qu'il y a dans nos têtes et nos cœurs.

     

    G.Z-S  (copyright oct. 2008 Toute utilisation des oeuvres ou d'extraits n'est permise qu'avec l'autorisation de l'auteur)

     

                                                                  

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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    Gaby Zryd-Sauthier

     

    Chronique d'une V.D.I. ( Vieille Dame Indigne)

     

    Martigny, 2 octobre 2008

     

     

     

    Le chat du voisin

     

    J'aime les chats, surtout celui du voisin. Nourri, logé, brossé par autrui, ce serait l'animal de compagnie rêvé s'il daignait me saluer. Rien n'y fait. Perché sur le petit toit mitoyen, il me fixe avec arrogance.

    - Et les courbettes du réveil? lui dis-je. Depuis que Mahomet a préféré couper la manche de son habit plutôt que de déranger son chat endormi, l'usage veut que les minets fassent la révérence le matin. D'autant plus qu'il vous a promis de retomber toujours sur vos pieds, sans parachute.

    Au mot "parachute", une lueur dorée filtre dans le regard du pacha haut perché. Il se détourne avec indifférence et repart d'un bond souple vers son confort et ses prébendes.

    Ratatinée au bas de l'échelle comme une employée congédiée, je me remets de l'offense en pensant à ma grandeur de citoyenne. Qui élirons-nous ce week-end?

     

    Les courageux portés sur les listes de partis méritent notre sympathie. On leur souhaite la souplesse d'un chat pour atterrir debout en cas de vol plané. Depuis qu'il y a des courageuses parmi ces courageux, et des électrices parmi les électeurs, la cabale se fait autant dans la rue que dans les cafés.

    Des amis d'amis vous abordent pour des conversations à bâtons rompus. Rompus souvent sur le dos des co-listiers.

    Autant en emporte la bise de Martigny.

    C'est heureux, car si chacun savait ce que tout le monde dit de tout le monde, personne ne parlerait plus à personne.

     

    G.Z-S  (copyright oct. 2008 Toute utilisation des oeuvres ou d'extraits n'est permise qu'avec l'autorisation de l'auteur.)    


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    Gaby Zryd.-Sauthier

     

    Chronique d'une V.D.I ( Vieille Dame Indigne)

     

    Martigny, 28 septembre 2008

     

     

    Les deux pieds sur terre

     

    Le temps des restrictions  est venu. Il reste encore le rêve et les souvenirs pour vagabonder. Adieu l'imprimé, bonjour le réseau

     

    Donc, les deux pieds sur terre du Valais, et l'envie de faire partager cette aventure pas à pas.

    Ce serait très facile en mettant le paquet: vieux costumes, mulets, austérité, famille, et tous les leurres du vocabulaire nostalgique. Simplicité adieu, moralité hélas, paradis de profundis.

     

    Vieilles dentelles faciles pour la pause café. On se mettrait plein l'imagination de cuisinières à bois, de lessives au torrent, avant de revenir au quotidien: enclencher la machine à laver et assurer par SMS la rentrée des écoliers.

    Adhérer à un passé illusoire? Prédire – maudire-  ce qu'on ne vivra pas?   

    Non.

    Gardant les pieds sur terre, je voudrais présenter un triptyque, hier, aujourd'hui, demain, chaque volet pour nuancer l'autre.

    Frugalité d'antan oui, mais tous ces enfants mal développés qu'on laissait finir en crétins du village? Travail, oui, oui, jusqu'à crever à l'ouvrage. Noblesse des costumes, bien sûr, mais qui se souvient des engelures ?

     

    Plutôt s'arrêter sur ce présent, cadeau inespéré.

    Le présent, c'est la dure exigence de la réflexion, le foisonnement et la nécessité du tri. 

    Le présent, c'est affaire de jugement dans l'immédiat. C'est le risque d'erreur, de souffrances.

    Au fond, c'est vivre.

    Alors, disons comment on vit, les deux pieds sur terre, avec des souvenirs qui vagabondent.

     

    G.Z.S. Copyyright sept. 2008 Toute utilisation des oeuvres ou d'extraits n'est permise qu'avec l'autorisation de l'auteur.

     

                                          

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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